Les droits de la personne protégée mise en cause
Jean de Bary, avocat spécialiste en droit pénal au barreau d'Angers
Publiée le lundi 28 février 2022 à 09h09 dans Fiches Pratiques
La personne protégée bénéficie de droits spécifiques tout au long de la procédure pénale afin de prendre en compte sa vulnérabilité d'ores et déjà prise en compte au civil par une mesure de protection judiciaire de type tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou mandat de protection future.
En garde à vue
L'officier de police judiciaire doit aviser le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial du placement en garde à vue de la personne protégée dans un délai de 6 heures.
L'officier de police judiciaire peut demander au procureur de la République ou au juge d'instruction de différer cet avis ou de le refuser « si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ».
Le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit commis d’office si la personne protégée n’a pas exercé elle-même ce droit.
Le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial peut demander qu’un examen médical ait lieu si la personne protégée n’a pas exercé elle-même ce droit.
Cette obligation légale d'aviser le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial existe depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, en raison de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, M. Mehdi K.
Dans cette décision, les Sages ont tout d'abord rappelé que le tuteur ou le curateur doit être avisé notamment en cas de poursuites pénales et pour certaines alternatives aux poursuites et que le gardé à vue sous curatelle ou tutelle peut demander à ce que son mandataire judiciaire soit avisé de son placement en garde à vue et que celui-ci peut lui désigner un avocat.
Le Conseil constate que « ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, dès le début de la garde à vue, si la personne entendue est placée sous curatelle ou sous tutelle et d'informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l'objet ».
Ainsi, les Sages ont donc déclaré l'article 706-113 du code de procédure pénale contraire à la Constitution en ce que « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d'opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l'exercice de son droit de s'entretenir avec un avocat et d'être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations ».
La déclaration d'inconstitutionnalité est intervenue sur le fondement de la méconnaissance du principe des droits de la défense garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En audition libre
L'officier de police judiciaire doit aviser le tuteur ou le curateur de l'audition libre de la personne protégée mais uniquement en cas de crime ou de délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Le tuteur ou le curateur peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit commis d’office si la personne protégée n’a pas exercé elle-même ce droit.
Cette obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur existe également depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019.
En cas de perquisition
L'officier de police judiciaire doit aviser le tuteur ou le curateur de la perquisition afin que la personne protégée qui « n'est pas en mesure d'exercer seule son droit de s'opposer à la réalisation de cette opération » puisse s'entretenir avec son tuteur ou son curateur avant de donne son assentiment prévu par l’article 76 du code de procédure pénale. A défaut, la perquisition peut être autorisée par le juge des libertés et de la détention.
Cette obligation légale existe depuis la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, en raison de la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021, M. Mickaël M.
Le Conseil a tenu un raisonnement similaire dans son huitième considérant : « ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n'imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, au préalable, si la personne au domicile de laquelle la perquisition doit avoir lieu fait l'objet d'une mesure de protection juridique et d'informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l'objet. Or, selon le degré d'altération de ses facultés mentales ou corporelles, le majeur protégé, s'il n'est pas assisté par son représentant, peut être dans l'incapacité d'exercer avec discernement son droit de s'opposer à la réalisation d'une perquisition à son domicile ».
La déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale est intervenue sur le fondement de la méconnaissance du principe d'inviolabilité du domicile. Ce fondement a été relevé d'office par le Conseil constitutionnel qui était saisi sur la base de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès juste et équitable.
En cas de poursuites judiciaires (et de certaines alternatives)
Le curateur, le tuteur ou le juge des tutelles (la loi emploie encore ce terme mais il s'agit désormais du juge des contentieux de la protection) doivent être avisés dans les cas suivants :
- Convocation devant une juridiction (tribunal de police, tribunal correctionnel, cour d’assises, juge d’instruction)
- Convocation pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)
- Composition pénale
- Classement sous condition de réparation
- Médiation
L'assistance de la personne protégée par un avocat est obligatoire en cas de poursuites judiciaires. Soit elle désigne un avocat ou sollicite un avocat commis d'office, soit son mandataire judiciaire judiciaire désigne un avocat ou sollicite un avocat commis d'office ou alors le procureur de la République ou le juge d'instruction sollicite un avocat commis d'office.
Le mandataire judiciaire peut assister la personne protégée à tous les stades de la procédure et accéder au dossier, soit directement soit, en cas d'information judiciaire, par l'intermédiaire de l'avocat de la personne protégée.
Une expertise psychiatrique de la personne protégée doit être obligatoirement ordonnée. Toutefois, cela est facultatif dans les cas suivants :
- En cas de procédure d'alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation
- En cas de composition pénale
- Lorsque la personne est entendue comme témoin assisté
- Lorsqu'il est fait application de la procédure d'ordonnance pénale
- En cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Par ailleurs, sauf opposition de la personne protégée ou de son avocat, il est possible de se contenter de l'expertise issue de la procédure civile ou des certificats médicaux issue de cette procédure. En pratique, bien qu'aucun texte ne le permette, il est parfois passé outre en se fondant sur une expertise psychiatrique récente issue d'une autre procédure pénale.
L'objectif de cette expertise est de déterminer sa responsabilité pénale au moment des faits (irresponsabilité pénale ou atténuation de la responsabilité pénale en cas de trouble mental).
En cas d'audience, le mandataire judiciaire est entendu en qualité de témoin, en prêtant serment, mais sans avoir à quitter la salle d'audience avant sa déposition.
La mandataire judiciaire doit être avisé des décisions suivantes :
- Non-lieu
- Relaxe
- Acquittement
- Irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
- Condamnation
Toutefois, cela ne lui confère par un droit d'appel propre (Crim. 2 septembre 2009 – pourvoi n°09-83.008)
En cas de convocation devant le juge de l'application des peines
La personne protégée doit être assistée par un avocat et son mandataire judiciaire doit être avisé de la date du débat contradictoire. Ce dernier peut alors adresser au juge de l'application des peines des observations écrites et le juge peut décider qu'il sera entendu en qualité de témoin.
Cette obligation légale existe depuis la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 alors qu'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) était en instance devant le Conseil constitutionnel.
Dans sa décision n° 2020-884 QPC du 12 février 2021, M. Jacques G., le Conseil constitutionnel a repris le même raisonnement que celui de sa décision de 2018 dans son huitième considérant : « lorsque le condamné est un majeur protégé, ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n'imposent au juge de l'application des peines d'informer son tuteur ou son curateur afin qu'il puisse l'assister en vue de l'audience. Or, en l'absence d'une telle assistance, l'intéressé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles, et ainsi opérer des choix contraires à ses intérêts ».
La déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article 712-6 du code de procédure pénale est intervenue sur le fondement de la méconnaissance du principe des droits de la défense garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.